Pourquoi des victimes de l’amiante doivent rembourser

Pourquoi des victimes de l’amiante doivent rembourser

INTERVIEW – Des victimes de l’amiante vont devoir rembourser une partie importante de leurs indemnités. Les explications de Romain Bouvet, avocat du cabinet Michel Ledoux et Associés qui représente l’Association régionale de défense des victimes de l’amiante (ARDEVA) ainsi que la réponse d’Huguette Mauss, directrice du Fiva.

Comment sont indemnisées les victimes de l’amiante ?

Romain Bouvet : Les victimes de maladies professionnelles reçoivent en fait deux indemnisations. Celles de la caisse primaire d’Assurance maladie d’abord, qui s’appliquent au titre du préjudice économique : dès qu’une maladie est reconnue en rapport avec le travail, la victime reçoit une rente maladie professionnelle qui varie en fonction de son taux d’incapacité et de son salaire.

L’autre indemnisation, qui correspond aux préjudices personnels, provient du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva)*, qui fait une offre en étudiant les préjudices d’incapacité, moral, physique, esthétique, etc. Pour le seul préjudice d’incapacité, le barème appliqué à la mise en place du Fiva était de 16.000 euros par an pour une incapacité de 100% et de 400 euros par an pour 5%.

Mais le Fiva considére qu’il faut déduire les indemnités versées par l’Assurance maladie au titre de la rente maladie professionnelle de celles à verser par le Fiva au titre du préjudice d’incapacité.

Que vient faire la justice dans cette affaire ?

Romain Bouvet : Les victimes avaient la possibilité de contester le montant proposé par le Fiva devant la cour d’appel de leur domicile. En 2005, la cour d’appel de Douai a réévalué cette rente à 800 euros pour 5% d’incapacité. Contrairement au Fiva, elle estimait qu’il ne fallait pas déduire les indemnités versées par l’Assurance maladie au titre de la rente maladie professionnelle de celles à verser par le Fiva au titre du préjudice d’incapacité puisque les deux ne portaient pas sur les mêmes préjudices : l’un étant économique et l’autre personnel. Et jusqu’en 2009, elle doublait systématiquement le montant des indemnités à verser par le Fiva.

En 2008, suite à un pourvoi du Fiva, la Cour de cassation a considéré que lorsqu’une victime n’a pas de préjudice économique, alors la rente perçue par l’assurance-maladie compte comme indemnisant le préjudice personnel de l’incapacité. Il y a donc lieu de déduire cette rente des indemnités à verser par le Fiva au titre du préjudice d’incapacité. La Cour de cassation a renvoyé le dossier devant la cour d’appel de Douai, dont la composition avait entre temps changé.

Concrètement, qu’est que cela a changé pour les victimes ?

Romain Bouvet : Les nouveaux magistrats ont confirmé le verdict de la Cour de cassation et décidé en conséquence d’annuler le doublement du montant des indemnités à verser par le Fiva. Cela signifie qu’environ 300 personnes qui ont contesté leur offre devant la cour d’appel de Douai vont devoir rembourser en moyenne un trop perçu de 10.000 euros. Or il s’agit d’ouvriers avec de petites retraites qui ont besoin de cet argent pour se soigner. Ils sont complètement sous le choc et dans l’incompréhension. Et ils n’ont plus aucun recours.

 


Les explications d’Huguette Mauss, directrice du Fiva :

«Ces victimes étaient indemnisées deux fois pour le même préjudice d’incapacité fonctionnelle, ce qui était en violation de la loi 2006 sur le recours des tiers payant. C’est pourquoi la Cour de cassation a cassé en novembre 2009 les décisions de la cour de Douai, qui était la seule en France à systématiquement doubler les montants des indemnisations. Les victimes le savaient parfaitement. Mais comme la décision de la Cour de cassation n’était pas suspensive, le Fiva a dû continuer de verser les indemnités. Certaines associations ont donc conseillé aux victimes de placer l’argent pour toucher des intérêts dessus pendant deux ou trois ans avant d’avoir à le rendre.»

 

*Le Fonds est alimenté à 88% par les cotisations des employeurs et à 18% par l’État. En théorie, le Fiva se retourne ensuite contre l’entreprise coupable pour récupérer les sommes avancées. En pratique, les procès sont rares.