Les administrateurs de biens, communément appelés syndics, détiennent, par les mandats qui les lient à leurs clients, la possibilité de souscrire des produits d’assurance pour le compte de la copropriété. Dans ce contexte, la loi a mis en évidence l’existence d’un conflit d’intérêts qu’il convient de gérer.
Au-delà son mandat, il n’est pas rare que le syndic lui-même, ou plus souvent une entité de courtage qui évolue dans son environnement capitalistique, propose à sa clientèle, outre les produits destinés à la garantie de l’immeuble, des produits d’assurance liés à l’immeuble ou au copropriétaire (loyers impayés, multirisque habitation, individuelle accident domestique, responsabilité civile au tiers ou famille). Outre la nécessaire immatriculation à l’Orias (le registre des intermédiaires en assurances) et le respect des règles relatives à la commercialisation des produits d’assurances, il existe donc un conflit d’intérêt que la loi n’a pas manqué de mettre en évidence.
À la fois syndic souscripteur et courtier fournisseur
Dans le cadre de son mandat légal (issu de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et son décret n° 63-223 du 17 mars 1967), le syndic a la charge d’accomplir pour le compte de la copropriété les actes de gestion courante, parmi lesquels figure notamment l’opération de souscription des assurances propres à garantir la copropriété contre les risques.
Afin de répondre aux préoccupations manifestées, notamment, par les associations de copropriétaires, les pouvoirs publics sont venus compléter la réglementation en la matière afin de limiter les possibilités de conflit d’intérêts. Néanmoins, il est essentiel que les professionnels du secteur, prompts à assumer toujours plus de fonctions au sein du marché de l’administration de biens, réfléchissent à ces problématiques et se dotent de mécanismes internes de transparence. En effet, le conflit d’intérêts ne met en évidence aucune règle de prohibition, mais seulement des obligations de révélation, donc de transparence.
Le syndic peut souscrire un contrat d’assurance via une filiale ayant le statut de courtier, sous réserve de l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires. La plupart du temps, le syndic souscrit les polices par l’intermédiaire d’un courtier ou d’autres intermédiaires d’assurances. Toutefois, la pratique a mis en évidence le développement de relations commerciales entre sociétés ayant des liens capitalistiques entre elles, par exemple un syndic et un courtier d’assurances appartenant au même groupe. Cette situation, parfaitement légale, crée néanmoins un conflit d’intérêts qui est inévitablement une source d’inquiétude pour les copropriétaires. Le doute existe quant à la fiabilité de la mise en concurrence, l’indépendance du syndic et l’objectivité de son choix. A-t-il choisi selon les intérêts de la copropriété ou a-t-il voulu favoriser une société « amie » ?
Face à ce type de situation et sans se limiter au domaine de l’assurance, les pouvoirs publics ont réagi aux fins de prévoir davantage de transparence et de contrôle sur le syndic opérant dans le cadre de sa mission, dès lors qu’il contracterait avec des entreprises fournissant des prestations ou des travaux dans lesquelles il détiendrait des intérêts.
À cette fin, l’article 39 du décret du 17 mars 1967 a été complété, par décret du 27 mai 2004, d’un troisième alinéa prévoyant que « le syndic, lorsqu’il est une personne morale, ne peut, sans y avoir été spécialement autorisé par une décision de l’assemblée générale, contracter pour le compte du syndicat avec une entreprise qui détient directement ou indirectement, une participation dans son capital ». Un quatrième alinéa, ajouté par un nouveau décret du 20 avril 2010, prévoit que « le syndic doit en outre préciser la nature des liens qui rendent nécessaires l’autorisation de la convention ». Un possible contrôle préalable des actes de gestion courante est donc instauré dans le cadre de la souscription des contrats d’assurance et vient régler le conflit d’intérêts en imposant au syndic de la transparence et subordonnant son action à une autorisation.
Un contrôle préalable par les copropriétaires
Le conflit d’intérêt est également présent lorsque l’intermédiaire d’assurances est en même temps le syndic de la copropriété. Certains syndics font en effet de plus en plus le choix de devenir intermédiaires d’assurances, inscrits en cette qualité à l’Orias, les deux statuts étant parfaitement compatibles. En effet, aucune loi, aucun règlement ni aucun code de déontologie professionnelle n’ont interdit aux syndics d’assumer des fonctions d’intermédiaires d’assurances (lire l’encadré).
L’arrêté « Novelli » du 19 mars 2010 (1) impose désormais au syndic de soumettre à l’accord préalable du syndicat des copropriétaires les opérations de souscription des polices d’assurance. Cette disposition vient donc répondre en partie aux attentes légitimes des copropriétaires face aux risques de dérives que créent ces différentes situations de conflit d’intérêts en renforçant l’obligation de transparence du syndic à leur égard, donc son contrôle dans la mission de souscription des assurances en leur nom et pour leur compte. Elle pose toutefois un problème de mise en oeuvre pour les professionnels syndics qui doivent, selon le texte, recueillir l’accord préalable des copropriétaires.
Justifier d’un appel d’offres et d’une réelle transparence
L’évolution de la réglementation doit interpeller la profession sur la nécessité de garantir une transparence dans le processus de souscription du contrat d’assurance en assurant :
– qu’outre l’information des copropriétaires, rendue obligatoire par les dispositions précitées, une mise en concurrence du marché a bien été conduite par le syndic. Il est essentiel que ce dernier soit en mesure de justifier, devant les copropriétaires, qu’il a interrogé la concurrence au moyen d’appels d’offres systématiques sur l’acte d’intermédiation et le choix du produit ;
– l’exécution de l’obligation d’information et de conseil au profit des copropriétaires. Lorsque le syndic souscrit un contrat d’assurance via un intermédiaire d’assurances, il bénéficie, en sa qualité de souscripteur, de l’obligation d’information et de conseil à la charge de cet intermédiaire, avec l’obligation d’en faire part aux copropriétaires. Lorsque le syndic cumule, au cours de l’opération de souscription, les qualités de souscripteur et de courtier, il est directement assujetti à l’obligation d’information et de conseil à destination du syndicat des copropriétaires ;
– une réelle transparence quant à la rémunération exceptionnelle qu’il pourrait toucher sur l’activité d’intermédiation réalisée, car les copropriétaires rémunèrent le syndic pour ses fonctions de syndic, mais ne conçoivent pas ou n’ont pas forcément conscience que la double qualité de syndic et d’intermédiaire d’assurances crée de facto pour l’entité la perception d’une rémunération distincte liée à une activité d’intermédiaire d’assurances, qui génère un travail distinct.
Si le principe de la perception d’une rémunération distincte est parfaitement légal, il n’en demeure pas moins que sa révélation à la copropriété, dans son principe ou dans son montant, peut atténuer le risque d’une suspicion à l’égard du syndic, ce que l’évolution de la réglementation met en évidence. Cette question revêt un intérêt majeur pour la profession de syndic compte tenu de la place croissante qu’il occupe dans la gestion des copropriétés.
1. Arrêté du 19 mars 2010 modifiant l’arrêté du 2 décembre 1986 relatif aux mesures de publicité des prix applicables dans certains secteurs professionnels, publié au JORF n° 0068 du 21 mars 2010, p. 5673.
– lors de la conclusion d’un contrat via une société de courtage filiale ou appartenant au même groupe que le syndic ;
– ou lors de la conclusion d’un contrat par le syndic disposant lui-même de la qualité de courtier.