Cri d’alarme début juin de l’ANAH sur l’ampleur des travaux nécessaires dans les copropriétés pour les réhabiliter et améliorer leur performance énergétique, mission confiée dans la foulée à son président, Dominique Braye, de piloter un groupe de travail sur les politiques préventives, les actions incitatives ou coercitives contre la dégradation croissante des copropriétés, identification de la rénovation de la gestion des copropriétés, notamment en relation avec la programmation des travaux et la constitution de provisions pour grosses réparations, comme une des priorités lors des Etats généraux du logement de début juin : visiblement, le consensus sur la nécessité de rendre obligatoires la programmation pluriannuelle des travaux dans les copropriétés et la constitution de provisions pour grosses réparations, qui se manifestait déjà par le soutien de la plus grande partie des acteurs de la copropriété à notre Livre Blanc sur le sujet, présenté il y a un an, fait son chemin…
|
situations parfois dramatiques de dégradation, physique puis sociale. Dans la foulée, son président, Dominique Braye, s’est vu confier par Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au logement, une nouvelle mission sur les copropriétés potentiellement en difficulté : il est chargé de constituer et de piloter un groupe de travail sur l’amélioration des politiques préventives, des actions incitatives ou coercitives vis-à-vis des copropriétés en difficulté. Il devra rendre ses propositions avant la fin du mois de décembre 2011.
Dans sa lettre de mission du 6 juin 2011, le secrétaire d’Etat identifie trois types de situations qui appellent des réponses très différentes : celles pour les copropriétés présentant des signes de fragilité sans gravité qui relèvent d’une approche préventive, celles pour les copropriétés en difficulté sur les plans technique, social et de gestion qui présentent un potentiel de redressement et peuvent faire l’objet d’une action incitative, et celles pour les copropriétés en situation très critique qui requièrent des dispositifs exceptionnels dont la caractéristique est une transformation importante de la structure de propriété (acquisition publique en vue d’une démolition ou d’une transformation en logement social, portage de lots…)
Le 8 juin, à partir d’un diagnostic partagé sur la situation du logement les organisateurs des Etats Généraux du Logement ont soumis au débat public 15 propositions (1) visant à la refondation d’une politique du logement à la mesure des enjeux. Parmi elles (proposition n°11), la rénovation de la gestion des copropriétés en vue de favoriser une véritable politique patrimoniale et éviter leur dégradation. Les mesures proposées résultent du constat que l’entretien et l’amélioration du parc immobilier existant restent globalement insuffisants, et que les copropriétés sont indéniablement le maillon faible de ce parc. « Entretenir un immeuble collectif suppose des démarches de programmation, tant pour maintenir à niveau le bâtiment que pour l’adapter à l’évolution de la demande des ménages, ainsi que des moyens financiers importants, sur lesquels le consensus n’est pas facile à dégager », indique le document final des Etats généraux.
Or le retard qui est ainsi pris par ce patrimoine pose, selon les auteurs, des problèmes économiques et sociaux, qui peuvent aller jusqu’à une dégradation du bâti qui ne peut plus être rattrapée par les propriétaires. Au moment où la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement nécessite des travaux importants dans l’habitat existant en faveur des économies d’énergie, les copropriétés risquent de rester à côté de cette dynamique.
Afin de remédier à la dérive actuelle, les organisateurs des Etats généraux reprennent, entre autres propositions relatives à l’amélioration de la gouvernance des copropriétés, celle de rendre obligatoires les provisions pour grosses réparations. « Seules de telles provisions, que l’expérience acquise dans la gestion d’immeubles d’habitation – en particulier dans le parc social – permet de dimensionner, sont à même d’organiser un étalement dans le temps des dépenses nécessaires, les laissant ainsi à la portée des copropriétaires. Procéder de la sorte est dans l’intérêt de ces propriétaires, car le coût du provisionnement sera sans aucun doute inférieur à ceux qui résulteront de travaux décidés dans l’urgence ».
Ni plus ni moins que les propositions défendues dans le cadre du « Chantier copropriété » du Plan bâtiment Grenelle par les principales organisations de consommateurs impliquées dans la copropriété – ARC (Association des responsables de copropriété, CLCV (Confédération logement et cadre de vie) -, les organisations professionnelles de syndics, la Fédération des PACT, etc., et que nous résumions en mai 2010 dans un Livre Blanc (2), qui avait reçu le soutien ou l’approbation de toutes ces organisations…
Impossible aujourd’hui en effet pour des copropriétaires soucieux de la préservation de leur patrimoine de programmer des gros travaux – ravalement, changement d’une chaudière, réfection d’une toiture – sans vision globale et cohérente de l’entretien long terme de leur immeuble et son adaptation aux exigences des temps à venir en matière de sécurité, confort climatique, performance énergétique, etc. Or seuls une connaissance approfondie de l’immeuble et de son état réel, suite à un audit rigoureux, et la fixation de priorités entre les composants de l’immeuble à traiter dans le cadre d’un plan pluriannuel peuvent permettre de programmer les bons travaux dans le bon ordre : par exemple améliorer l’isolation et la ventilation avant de rénover la chaufferie, qui pourra grâce à la réduction des besoins en chauffage être dimensionnée en baisse…
Les copropriétaires peuvent évidemment décider d’eux mêmes d’y procéder, et certains le font. Mais c’est loin d’être le cas général. « Les copropriétaires, mais aussi le conseil syndical et le syndic ne savent pas, la plupart du temps, quel est l’état exact de la copropriété (ouvrage par ouvrage : toiture ; caves ; balcons, etc… – ou équipement par équipement, voire partie d’immeuble par partie d’immeuble) », explique l’ARC. « De ce fait, les copropriétaires attendent que les ouvrages ou équipements soient dégradés pour intervenir ; les copropriétés agissent donc souvent au coup par coup, dans l’urgence, au prix fort et sans réel appel d’offre. Ces interventions coûtent au final très cher et ne sont ni satisfaisantes ni, souvent, suffisantes (partielles, non mises en cohérence, etc.). Par ailleurs ces travaux non programmés sont difficiles à payer par les copropriétaires les plus modestes du fait que ceux-ci ne les ont ni anticipés ni provisionnés. Les impayés se développent, la gestion devient plus tendue (ainsi que les relations entre les copropriétaires), l’entretien courant pâtit de cette situation et la copropriété peut être entraînée dans une spirale plus ou moins rapide de dégradation », indique l’association.
L’ANAH a récemment présenté les résultats d’une étude sur les copropriétés construites entre les années 1950 et 1980, dont le nombre est estimé à 145.000 (24% des immeubles en copropriété mais 45% des logements car ces immeubles sont généralement de taille supérieure à la moyenne), qui révèle que 40 à 70 milliards d’euros seront nécessaires dans les 10 ans qui viennent pour les réhabiliter et les améliorer ! Il faut ajouter à celles-ci les 318.000 copropriétés construites avant 1948, formant 53% du parc, dont le coût de rénovation n’a pas encore été chiffré. Le chiffre global de 200 milliards est avancé.
Si la liberté et la responsabilité individuelles sont des principes respectables, force est de constater qu’au rythme actuel, les copropriétés vont aller en se dégradant, et que les copropriétaires, à qui les pouvoirs publics hésitent à imposer de nouvelles contraintes, seront incapables de remonter la pente, condamnés à voir leur patrimoine se dévaloriser comme cela se produit déjà depuis des décennies dans ce qu’on appelle pudiquement les « copropriétés en difficulté », type Clichy sous bois ou Montfermeil…
Seule solution, de l’avis de plus en plus unanime de tous les acteurs de la copropriété – associations de consommateurs, syndics, associations familiales, associations PACT, etc. : comme au Quebec*, rendre obligatoires la réalisation d’un audit périodique (tous les 10 ans ?), la tenue d’un plan pluriannuel de travaux sur le modèle des plans de patrimoine des bailleurs sociaux ou institutionnels, et la constitution, sur le modèle des provisions pour grosses réparations que doivent constituer les sociétés immobilières, de fonds de travaux permettant de lisser l’effort des copropriétaires et de disposer le moment venu des sommes nécessaires pour financer à hauteur les travaux programmés.
Bien entendu, les fonds ainsi accumulés doivent être « sanctuarisés », et placés au profit des copropriétaires. Des formules ont été proposées : comptes bancaires règlementés (hors garantie financière du syndic pour ne pas ajouter des coûts), intérêts défiscalisés à l’instar des Livrets A, etc. Avec un peu de volonté politique, elles ne sont pas difficiles à mettre en oeuvre.
Ces pratiques, somme toute de bonne gestion patrimoniale, sont également indispensables à une bonne protection des acquéreurs, qui aujourd’hui achètent des appartements dans des immeubles, sans avoir la moindre idée de leur état réel, des travaux qu’il va falloir envisager dans les 3, 5 ou 7 prochaines années (la durée moyenne de présence dans une copropriété), et partant du coût réel complet d’entretien de l’immeuble ! Ce n’est pas de la rétention d’information : les vendeurs eux-mêmes, à qui incombe cette responsabilité de l’information, sont bien incapables de les en informer ! Les diagnostics aujourd’hui obligatoires sont certes nécessaires, mais il manque l’essentiel, que l’on soit occupant ou bailleur : combien va coûter réellement le bien acheté jusqu’à la revente…
(1) La contribution des Etats Généraux du Logement 2011 : « 15 propositions pour renouveler la politique du logement »
(2) Livre Blanc – mai 2010 : Copropriétés : Plaidoyer pour des fonds travaux obligatoires
*Extrait d’une étude sur les Fonds de prévoyance au Québec par LE GROUPE CONSEIL SAE INC. Dorval, Québec
Pourquoi effectuer une étude du Fonds de prévoyance ?
[ce terme désigne en fait un plan de travaux en vue de créer et alimenter un Fonds de prévoyance (NDLR)]
1. remplir les obligations du Code civil du Québec pour la constitution d’un fonds de prévoyance (Code civil du Québec, article 1071)
2. faciliter la préparation du budget annuel d’opérations pour l’entretien des aires communes [lire : les « parties communes » (NDLR)] et la gestion du fonds de prévoyance. (…)
3. rassurer les futurs acheteurs qu’ils ne feront pas face à des cotisations spéciales élevées un an ou deux après avoir acheté une copropriété. Dans quelques années quand le parc d’immeubles en copropriété aura vieilli, qui voudra acheter une copropriété si le fonds de prévoyance est incapable de faire face aux dépenses durant plusieurs années consécutives ? Les aînés à revenu fixe auront-ils les ressources financières pour absorber de telles cotisations spéciales répétées ?
4. maintenir la valeur marchande des investissements des copropriétaires, à mesure que les immeubles vieillissent et nécessitent un entretien régulier et le remplacement des composantes des parties communes pour cause de désuétude ; si ces travaux ne sont pas effectués ou sont retardés par faute de fonds suffisants, l’apparence de l’immeuble en souffre.
5. mettre en oeuvre un principe d’équité par lequel les copropriétaires dans un immeuble neuf contribuent aux coûts dus à la détérioration de ces composantes dès le premier jour d’occupation en investissant des sommes suffisantes dans le fonds de prévoyance plutôt que de laisser seulement aux copropriétaires présents au moment de dépenses majeures la charge de payer les travaux à effectuer.
6. être préparé pour le moment où les futurs acheteurs de copropriétés seront plus avisés et éduqués au sujet de certains pièges de la vie en copropriété ; quand plusieurs acheteurs auront été échaudés par des cotisations spéciales répétées, ils rechercheront les copropriétés pour lesquelles il y a un fonds de prévoyance suffisant pour faire face aux dépenses majeures qui, inévitablement, se présentent à long terme.