Yoann Joubert, dirigeant fondateur de Réalités à Saint-Herblain, en Loire Atlantique, ne craint pas d’avancer à rebours de la pensée dominante. Selon lui, les vrais maux qui minent l’immobilier neuf en France ne sont pas ceux que l’on croit. La crise ne vient pas tant d’un déficit en volume ; mais au contraire d’une surproduction de logements chers aux prix de revient incompressibles…
Logements trop chers ? Oui. Marges exagérées des promoteurs ? Non, cette analyse est trop simpliste. Elle cache la vraie cause de décalage entre le prix des appartements et la solvabilité des ménages. L’explication vient de la multiplication des normes. Il ne s’agit pas de remettre en cause la légitimité de ces mesures, mais d’acter l’augmentation mécanique du coût des logements du simple fait de leur mise en application.
Les normes BBC ? C’est un prix final de 5 à 10% plus cher selon la capacité du promoteur à industrialiser les procédés de fabrication. De même, l’accès de personnes à mobilité réduite dans tous les appartements, ou les normes antisismiques appliquées uniformément à tout le territoire : à chaque fois, c’est un surcoût de 5%. Sans parler du quota de prises de recharges dans les parkings pour les voitures électriques !
Le second grand facteur de renchérissement des prix est le quota de logements sociaux dans les programmes de promotion. Là encore, une mesure louable au départ qui se révèle injuste et coûteuse à l’arrivée.
Si l’on considère que la taille moyenne des ménages est de 2,28 occupants, comme l’indique l’INSEE, le nombre de 500.000 nouveaux logements par an, systématiquement repris par les politiques et les économistes, représente une capacité immobilière adressée à 1,140 million de nouveaux habitants par an. Or, même en tenant compte d’un solde migratoire positif de 100.000 personnes par an, la croissance démographique annuelle n’excède pas 326.000 habitants. Il suffirait donc de 143.000 logements construits chaque année pour absorber cette demande supplémentaire.
A contrario, le besoin réel de logements sociaux nouveaux est bien plus important que celui énoncé. Pour être efficace, si les pouvoirs publics veulent rapidement faire diminuer le nombre de demandeurs de logements sociaux, il conviendrait alors de déterminer la partie nécessaire en logement locatif social de la partie en accession sociale à la propriété et vraisemblablement d’accentuer les actions en faveur de cette seconde.
Une politique visionnaire et volontariste appelle donc à accentuer, sans attendre, la production de logements en accession sociale et notamment en location-accession (PSLA). Sur ce sujet le constat est implacable : en 2011, seuls 7.000 logements ont été financés en PSLA ! Pourtant, au vu des barèmes de revenus en vigueur, un très grand nombre de Français pourrait prétendre à l’accession sociale. Il suffit d’une volonté politique. Sur ce point, les promoteurs privés peuvent être un levier efficace.
Nos 8 recommandations
1 – Faciliter et libéraliser l’accession sociale. Pour faciliter le développement du logement social dans notre pays, il nous semble nécessaire de laisser aux promoteurs privés la possibilité de réaliser les opérations en accession sociale dans les mêmes conditions que les bailleurs sociaux (TVA à 7 %, taxes, financement).
2 – Mettre en place une incitation fiscale pour l’accédant à la propriété. Faciliter l’accession à la propriété de la résidence principale du ménage par des incitations fiscales telles que déductions des intérêts d’emprunts, dégrèvement de la taxe foncière…
3 – Mettre fin à la volatilité fiscale pour le marché locatif. Mettre en place un dispositif d’incitation fiscale équilibré, stable et dont la contrepartie permettra de maîtriser l’évolution globale des loyers à l’échelle du territoire.
4 – Attacher les lois fiscales aux permis de construire et non pas aux années civiles. Si les régimes d’incitation fiscale pouvaient tous s’attacher à la date de dépôt des permis de construire cela viendrait considérablement diminuer les risques de non commercialité des stocks invendus en fin d’année civile.
5 – Mettre en place un moratoire sur les normes.
6. Instituer une Cour unique pour juger des recours sur les permis de construire. Cette Cour devra garantir un temps de traitement maximum de 6 mois.
7. Tendre vers un véritable urbanisme de projet. Tout le monde croit que les règles d’urbanisme sont écrites dans les documents d’urbanisme (SCOT, PLU, PLH) alors qu’en pratique, chaque projet se négocie avec les élus et leurs représentants. Il serait donc peut-être nécessaire d’instituer cet état de fait pour que chaque opérateur travaille avec les mêmes règles.
8. Certification des promoteurs. L’agrément de l’AMF est obligatoire pour la commercialisation des produits financiers. On peut donc s’étonner que, dans le cadre d’un produit immobilier défiscalisant, il soit possible de vendre, sans agrément, des logements neufs à des clients qui s’endettent pour réaliser cette acquisition. Il nous semble nécessaire d’imposer un certain nombre de critères à la pratique du métier de promoteur immobilier.