Une campagne de dépistage de la tuberculose d’une ampleur inédite commence ce matin à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Les quelque 5.000 habitants d’un même quartier, le Chêne Pointu, sont concernés, et invités à se présenter.
Un « bidonville vertical » à 15 kilomètres de Paris. C’est ainsi que le maire de la ville, le socialiste Claude Dilain, parle du Chêne Pointu, un ensemble de 1.500 logements en copropriété. Une co-propriété aujourd’hui à la dérive.
En six mois, 23 cas de tuberculose ont été déclarés. Plus de la moitié chez des enfants. En dépistant leur entourage, on s’est rendu compte que 40 personnes supplémentaires avaient la maladie sans en avoir encore les symptômes. Cet été, le rythme des signalements s’est accéléré. Très vite, ce qui a frappé les autorités sanitaires, ce sont les adresses des patients : toutes vivent dans ce quartier en perdition. Cette épidémie, Claude Dilain, qui est aussi médecin, et pédiatre, dit qu’il fallait s’y attendre. Cela fait des années qu’il tente d’alerter les pouvoirs publics. Tout le monde savait dans quelles conditions vivent ces familles qui louent pièce par pièce des appartements à des marchands de sommeil.
Le Chêne Pointu, c’est l’exemple type d’une copropriété dégradée. Des mauvais payeurs qui font plonger les propriétaires honnêtes en ne s’acquittant plus des charges. Les parents de Nadia Zaid ont acheté il y a 20 ans. Ils vivent encore sur place. La jeune femme raconte la descente aux enfers : les parties communes qui se dégradent, le risque de ne plus avoir ni eau chaude, ni électricité d’ici quelques jours, et maintenant la peur de la tuberculose, qui tourne parfois à la psychose.
Dans l’une des barres, Sangül Guven, 30 ans, mère de 4 enfants, raconte qu’elle hésite même à les envoyer à l’école. Elle a supprimé les sorties au parc après la classe. « Les gens sont inconscients, dit-elle, je ne comprends pas qu’ils laissent les enfants jouer dehors alors qu’ils savent que la tuberculose est là, qu’ils peuvent être contaminés, et que c’est une maladie bien plus grave qu’une simple grippe« .
Mme Guven a décidé d’aller se faire dépister dès aujourd’hui, mais en prenant toutes les précautions : elle fera le guet, pour ne pas croiser ses voisins, peut-être malades sans le savoir. Elle ne veut pas attraper la tuberculose en faisant la queue. Des précautions excessives, quand on sait que pour être contaminé il faut un contact prolongé avec un malade.
Un gymnase a été réquisitionné. Tous les habitants pourront passer une radio du poumon. Les enfants de moins de 15 ans auront également une intradermo, une petite piqûre sur le bras.
Reste à savoir combien d’habitants vont vraiment se faire dépister. Tout repose sur le volontariat. Depuis plusieurs jours, Nadia Zaid fait du porte à porte pour tenter de mobiliser. Mais elle se demande si cela va suffire, elle aurait aimé que l’Agence régionale de la santé se repose un peu moins sur le réseau associatif. Elle déplore que l’ARS se soit contentée d’envoyer une lettre, en français, aux habitants, alors que nombre d’entre eux est d’origine étrangère et ne lit pas le français.
Le dispositif prévu jusqu’au 14 octobre peut accueillir 2.000 personnes. C’est de toute façon moins de la moitié de la population du Chêne Pointu. A l’Agence régionale de la santé, on explique que c’est en fait une première phase. Et que la campagne de dépistage se poursuivra nécessairement bien au delà.